A la recherche de la « CASA ROTA »
Après tant et tant d'années d'exil ,et alors que nos mémoires commencent à donner quelques signes de fatigue , en particulier lorsque nous cherchons le nom d'une rue ou encore celui d'un ami avec lequel nous entretenons pourtant des contacts réguliers, je me suis surpris à essayer de retrouver quelle avait été l'histoire de la fameuse « casa rota » qui , vers le bas de la rue de l'Arsenal fut , pour beaucoup d'entre nous ,un peu comme une « Arlésienne -Oranaise! » Cette « casa rota » que j'ai souvent longée et traversée bien des fois, n'était en fait qu'un terrain vague et en pente qui dominait la rue descendant vers l'école des filles de la place Emerat.
Seuls subsistaient des murets décrépis et des semelles de fondations ainsi que quelques gravas et autres tas de pierres dont j'imagine qu'elles avaient du servir ,à un fameux « Mata Gato »qui sévissait dans le quartier à la poursuite « des chats sauvages » qui n'avaient rien de commun ,avec le groupe rock éponyme. Je me souviens encore des panneaux métalliques qui en interdisaient l'accès et sur lesquels on pouvait trouver toutes sortes de publicités commerciales , d'affiches de cinéma ou encore celles de corridas qui avaient lieu aux arènes d'Eckmul,le dimanche.
En fait , cette « casa rota » ne fut jamais vraiment pour nous un terrain de jeu sur lequel nous aurions pu refaire le monde ,allumer des feux pour la St Jean ,faire des volutes en fumant nos premières cigarettes Bastos ... ou encore nous lancer à la recherche de galeries souterraines ou de pièces d'or cachées et oubliées par d' anciens résidents. Alors , est-ce pour combler un trou de ma mémoire , ou pour me retremper dans l'imaginaire du lieu, que je me suis demandé si le temps n'était pas venu ,de m'adresser à toutes celles et ceux qui habitaient non loin de là afin qu'ils puissent nous raconter leur « casa rota » J'ai bon espoir que, pareil à ces archéologues qui prennent le temps et leur pinceau pour dégager des sites préhistoriques vieux de milliers d'années, certains de nos amis vont probablement affûter leurs crayons pour nous raconter leur souvenir ,les meilleurs.
Voilà chers amis ,je viens de lancer un filet à la mer avec le secret espoir de voir un ou deux poissons miraculeux venir nourrir notre imaginaire notre curiosité et notre esprit ...je sais très bien que l'exercice est difficile car même après plus de cinquante ans d'exil je sais les souvenirs douloureux ;je sais aussi combien cet exil aura était généreux pour nous en nous permettant de bâtir une rare et solide amitié qui aura traversé l'espace et le temps et qui restera comme une aventure humaine exceptionnelle .
Quant à « la casa rota » elle nous aura au moins permis , de retende les liens qui nous unissent et mis à mal par la période d'isolement et de confinement que nous sommes en train de vivre sous l'effet du covide 19. En tout cas ,elle aura au moins réussi à nous faire parler d'elle comme si elle avait été « la tour de Babel » mais à la nuance près qu'au lieu de nous diviser et nous disperser ,elle nous aura rassembler...pour notre plus grand plaisir pour ne pas dire notre bonheur infini !. Il ne me reste plus qu'à coller mon oreille à ces coquillages de mer afin d'écouter ce que les vieilles pierres de la « casa rota » vont nous raconter.
René Montaner
15 Août 2020