Des Vœux…et une valise de Souvenirs (suite)
On pourrait longuement poursuivre la liste de tous ces petits tableaux de la vie du village en reparlant des séances de rasage chez le coiffeur où les hommes aimaient à se retrouver pour échanger les dernières nouvelles ou encore des promenades que nous faisions devant les beaux cafés où la clientèle était surtout composée de touristes et de baigneurs venus d’Oran.
Ah !... comment voulez-vous que nous puissions oublier toutes ces petites histoires…comme celle de mon grand-père Vincent Mengual qui, un beau matin de l’année 1910, décida de quitter Aïn el Turck avec toute sa famille (quatre filles et un garçon) pour courir une nouvelle aventure au Brésil. L’immigration vers ce pays était alors très forte car les nouveaux arrivants, bénéficiaient de grandes propriétés agricoles.
Tout se passa bien pour lui durant les quatre premières années de son séjour. La culture du coton du tabac et du café lui assurait un revenu substantiel qui lui permettait d’envisager un avenir florissant.
L’ennui (si l’on peut dire !) c’est que parmi ses quatre filles, ma tante Thérèse qui était la deuxième de la lignée, était la seule à savoir lire et écrire. C’est elle qui entretenait une correspondance assez régulière avec le reste de la famille restée à Aïn el Turck. Par la même occasion, elle écrivait, secrètement, quelques billets doux à un beau garçon du village qui s’appelait Sauveur Vasquez (alias Salvoret) qui devint quelques années plus tard son époux .Son cœur était donc resté au village…
Comme, par ailleurs, elle avait une grande influence sur sa mère, elle lui fit admettre que la culture du coton qui représentait plus de la moitié de leur production, était trop pénible pour des filles et que, finalement, la vie leur était bien plus douce sur les bords de la Méditerranée.
Lorsqu’il fut informé de leur souhait, mon grand père pris la chose de forte méchante humeur. Toutefois, il comprit très vite qu’il ne viendrait jamais à bout de la ténacité de ses cinq femmes qui se montraient chaque jour, plus déterminées dans leur désir de retourner vivre au village.
Las de voir que ses enfants et son épouse n’étaient finalement, pas heureux dans ce pays de cocagne, il finit un jour, par leur dire ceci :
« - Ecoutez moi bien…
Demain matin je vais me rendre au marché de San Paulo (Sao Paulo) par l’autobus de 8 heures.
Je dois aller chez les producteurs de coton afin de négocier avec eux, un nouveau contrat pour les années à venir.
Si, par malchance, je n’arrive pas à vendre mon coton à un prix raisonnable, et à conclure un bon accord pour les futures récoltes, je prendrai alors une grave décision.
Alors, surveillez bien le retour de l’autobus de Sao Paulo qui arrive vers 18 heures.
Si vous me voyez en descendre avec une valise à la main, alors… ce sera le signe que nous repartons dans notre pays !... ».