Anecdotes
La dictée de Mr Vicente ( une nouvelle de René Montaner )
Sur l’échelle des souvenirs de la classe du CM 2 des garçons de l’école Emerat * ( année scolaire 1953/54), le curseur de la mémoire profonde de chacun d’entre nous peut se déplacer du zéro à l’infini et ainsi nous rappeler Léo Ferré lorsqu’il chantait : « Avec le temps, avec le temps tout s’en va, On oublie le visage et l’on oublie la voix… Même les plus chouett’s souv’nirs ça t’a une de ces gueules… » Si certains ont pratiquement tout effacé sur le disque dur de leur mémoire scolaire, d’autres en revanche se souviennent de certains faits jusque dans leur moindre détail. En paraphrasant Descartes et son bon sens, on pourrait dire ici, que la mémoire est sans doute, la chose au monde la moins bien partagée ! Pour ma part et en dépit des effets des cinquante quatre années qui se sont écoulées depuis, je vais essayer de vous raconter le souvenir que je garde de notre dernier instituteur, monsieur Vicente. Au préalable, il me parait utile de restituer l’anecdote, qui va suivre, dans le contexte de l’époque. L’année scolaire 53/54 venait à peine de commencer. Le quartier de la Marine, dans lequel nous habitions, était l’un des plus intéressants et des plus attachants de la ville. Si d’aucuns le trouvaient un peu trop éloigné du centre-ville, où se situaient les cafés chics fréquentés par une jeunesse dorée, pour nous, il offrait un tissu social et un espace où chacun se connaissait et se reconnaissait. En parcourant ses rues, ses ruelles et autres rampes en escalier, on pouvait tourner de nombreuses pages de l’histoire de la ville car, nombreux étaient les bâtiments publics et religieux qui en rappelaient les origines. Par ailleurs, les places et les jardins étaient des lieux de promenades et de rencontres, très fréquentés par la jeunesse qui aimait à se retrouver pour « faire le boulevard », dès la nuit tombée. En somme, le quartier de la Marine était devenu, au fil du temps, un lieu de vie unique, authentique, voire magique où les origines espagnoles se retrouvaient quasiment partout et en particulier dans le parler de la rue qui était plus proche de la langue de Cervantes que de celle de Molière. Pour nous, jeunes élèves du CM 2, cette année 53/54 n’était pas seulement la dernière de notre scolarité primaire mais également celle où nous allions quitter le monde de l’enfance. Elle allait aussi marquer, mais sans que nous en prenions réellement conscience, la fin de l’époque d’une Algérie Française, heureuse et joyeuse. L’école Emerat que nous fréquentions se situait dans la partie basse de la rue d’Orléans qui était la rue principale de notre quartier. L’école des filles et celle des garçons étaient côte à côte mais la disposition de leur entrée respective ainsi que leur cour de récréation bien séparée ne favorisaient guère la mixité entre les élèves. Cependant, c’est grâce à une jolie place arborée qui se trouvait devant l’école des garçons que s’opérait un fabuleux brassage social. Cet espace, garni de quelques bancs et d’un petit muret sur lequel on pouvait s’asseoir, était tout à la fois un lieu de jeux, d’attentes, de rencontres et d’échanges, toutes générations confondues. Un petit kiosque faisait aussi notre bonheur car, avec quatre sous en poche, nous pouvions y acheter toutes sortes de friandises. Le bâtiment scolaire qui imposait sa masse dans le décor reflétait l’architecture des années 50. Le béton lui avait donné une forme rectangulaire assez lourde qui ne présentait guère d’attrait ni d’intérêt ; par ailleurs, les grandes grilles qui protégeaient les fenêtres des classes du rez-de-chaussée rendaient la façade encore plus austère. Fort heureusement pour nous, la classe du CM 2 des garçons se trouvait au 2 ème étage du bâtiment principal. De là, nous pouvions apercevoir le petit jardin suspendu de la cour intérieure de l’école et, côté rue, deviner par-dessus les toits la présence de la mer que nous sentions toute proche. Cette classe était dirigée (si j’ose dire) de main de maître, par Monsieur Vicente, notre instituteur. Tenter de faire son portrait, après tant d’années d’oubli, relève d’un pari un peu risqué, d’autant qu’il ne prêtait guère aux séances de photos scolaires et que par ailleurs il pratiquait comme une espèce de secret sur tout ce qui touchait à sa vie privée. En entrant dans sa classe, on savait déjà la solide réputation d’excellent enseignant qu’il s’était forgée, grâce en particulier, aux taux exceptionnel de réussite de ses élèves à l’examen d’entrée en classe de 6 ème. A son allure aux pas lents et pesants ainsi qu’à ses cheveux grisonnants, on devinait qu’il n’était plus très jeune. Il portait une longue blouse grise aux poches plaquées d’où il tirait, de temps à autre, un bel étui à cigarettes. Celui-ci lui servait à tapoter pendant de longues marches, des « Bastos bleues » qu’il n’allumait qu’aux heures de récréation. Ce qui reste le plus présent dans ma mémoire, c’est sa voix de stentor ; elle était impressionnante avec des graves dignes d’un chanteur d’opéra auxquels venaient se mêler des roulements de Rrr… comme ceux qu’on entend parfois dans certains accents régionaux. C’est de cette même voix que nous l’entendions nous annoncer le mot fatidique de : dictée. A vrai dire, ce n’était pas tant l’exercice en lui-même que nous redoutions car il était en tout point comparable à ceux que nous faisions déjà dans les classes précédentes ; non, en réalité, ce qui nous impressionnait le plus, c’était surtout la manière qu’il avait d’en donner les résultats. C’est ainsi que, tout comme pour les coureurs du « contre la montre » du Tour de France, c’étaient les derniers du classement qui partaient les premiers ! Le palmarès commençait souvent ainsi : 1 er Mazola : moins 12, 2 ème : P… : moins 8, 3 ème : L… : moins 6 et ainsi de suite jusqu’à la note zéro, où il marquait une pause. Par ailleurs et pour bien montrer son mécontentement, tout élève qui avait une note négative recevait son cahier par la voie des airs, c'est-à-dire que celui-ci était lancé en tourbillonnant deux ou trois fois sur lui-même, avant que l’élève ne vienne le récupérer par terre, devant l’estrade principale ; l’humiliation pouvait parfois se révéler plus cinglante, surtout lorsqu’il ajoutait un petit commentaire plein d’ironie. C’est ainsi qu’au petit jeu du « mouton noir », l’élève Mazola arrivait souvent largement en tête ; quel que fût sa note négative en dictée, il s’entendait dire « Ah, Mazola…tu as moins 12 en dictée mais, comme dirait ton père : Heureusement que le petit… il est fort en calcul ! » Si d’aventure et par comble de malchance, il cumulait une mauvaise note à la composition de calcul qui suivait, il ne manquait pas de lui dire alors : « Ah, Mazola tu as un 3 en calcul, mais heureusement que le petit…il est fort en dictée !!! ». Ainsi, au fil des mois et des exercices, nous avancions dans nos programmes avec souvent la peur au ventre, surtout lorsqu’il s’agissait d’exercice d’analyse grammaticale. Pour les élèves les plus rétifs à appliquer les fameuses règles d’accord des participes passés y compris ceux qui s’employaient avec des verbes pronominaux, restait alors la menace suprême qui pouvait être, soit celle de la rétrogradation dans la classe inférieure, soit dans le meilleurs des cas celle de l’inscription d’office à des cours de soutien qu’il se proposait de donner entre midi et treize heures trente. Si par hasard, l’élève ainsi repêché prétextait qu’il ne pouvait y participer par suite de cours de catéchisme qu’il prenait à la même heure, au patronage voisin, alors là, Monsieur Vicente faisait entendre sa grosse voix et se lançait dans une diatribe anticléricale qui lui faisait dire : « Ah, oui…allez-y au catéchisme ! C’est vrai que c’est très important la communion solennelle, ça oui ! Mais l’examen d’entrée en 6 ème, ça…. ça ne compte pas beaucoup pour vous, hein ? Et bien allez au catéchisme, apprenez le par cœur et surtout priez le bon Dieu et tous ses Saints car vous en aurez bien besoin le jour de l’examen !!! » Monsieur Vicente ne croyait pas si bien dire lorsqu’il demandait aux élèves en difficulté d’implorer ou invoquer le ciel afin qu’il leur vienne en aide. Toujours est-il qu’un beau matin, l’élève Mazola fit sensation dans la classe car, comme par miracle, il réussit une première dictée sans aucune faute ! L’instituteur, subodorant un effet de voisinage, commença par l’isoler et redoubla de vigilance à son égard ; ce fût peine perdue, car Mazola récidiva un sans-faute à la dictée suivante puis encore à toutes celles qui suivirent jusqu’à la fin de l’année. Devant cet état de fait incontournable et inexplicable, y compris par l’élève lui-même, Monsieur Vicente finit par lâcher prise ; il cessa ipso facto tout recours aux sarcasmes, discriminations et autres harcèlements textuels qui faisaient partie de la panoplie de ses armes pédagogiques ! Pour l’élève Mazola, l’année scolaire se poursuivit comme sur un petit nuage et c’est tout naturellement qu’il fût brillamment reçu à l’examen d’entrée en 6 ème, tout comme la plupart des élèves de la classe. Pour Monsieur Vicente, la mission était enfin accomplie ; fidèle à sa réputation et en bon capitaine, il savait que le bateau avait pris le bon cap et que « les petits de la Marine » étaient prêts désormais à affronter la haute mer, c.a.d. …le collège ou le lycée! Pour nous qui avons grandi au bord de l’eau et au pied de la colline de Santa Cruz, le quartier de la Marine et notre école primaire resteront de sacrés lieux pour ne pas dire des lieux sacrés ; nous garderons en nos mémoires et en nos cœurs une place spéciale pour ce merveilleux quartier et pour cette ville natale dont on dit qu’elles sont comme les mères…..c’est à dire qu’on ne les oublie jamais ! Aujourd’hui la dictée de Monsieur Vicente, telle une formidable machine à remonter le temps, me fait penser aux fameuses madeleines de Proust ainsi qu’au questionnaire où il demandait : « Quelles sont les fautes qui vous inspirent le plus d’indulgence ? » A cela, je répondrai sans la moindre hésitation : « Les fautes d’orthographe !! ». Alors, merci encore, chère école de la Marine, de nous avoir donné tant de beaux souvenirs d’enfance ; je crois bien qu’avec le temps…on « t’Emerat » toujours autant ! R. M. * Emerat : nom d’un conseiller municipal de la ville d’Oran.
Neige sur Oran. "C'était l'hiver 1956, je pense. Neige abondante sur Oran; entre midi et deux, un instituteur de notre école, tout frais venu de Métropole (j'ai oublié son nom!!!) démarre sa voiture et monte, par la route des Planteurs, sur la colline de Santa Cruz ; là, parvenu en un endroit bien enneigé, il bâtit de ses mains un bonhomme sur le toit du véhicule, fantasmant sur la leçon de chose "exceptionnelle" qu'il allait pouvoir donner à ses élèves de la Marine. Le maître, prudemment, redescend alors jusqu'à la place Emerat et arrive quelques minutes avant l'heure de reprise des cours; seul , un petit nombre d'enfants jouent sur la "réplacette". Lorsque ces derniers aperçoivent la voiture et le bonhomme sur le toit, tous déguerpissent à vive allure. " Mais que se passe-t-il ? demande l'instituteur à ses collègues présents devant le portail d'entrée. Pourquoi se sauvent-ils ainsi ?" "Attend un peu, tu vas voir" lui répond Mr Cazalet, sur un ton ironique. Quelques instants après, tous les gamins du quartier rappliquent par nuées, confectionnent des boules de neige avec le peu de glace encore présente sur la place et beaucoup de terre , et bombardent allègrement la statue blanche ….! L'instituteur, déconfit et bras croisés, vit alors son "œuvre", qu'il voulait commenter devant sa classe, détruite en quelques secondes. Pour voir, il avait vu…………….!" Histoire véridique et transmise par Denis Alcaydé, fils de notre ancien Directeur d'école, en signe de reconnaissance envers tous les anciens élèves de la Marine.
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Le Four Banal.
Jojo RIHET
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La Pastama
Beaucoup d'histoires et de légendes fantasmagoriques se racontaient à propos de ces lieux. Dans ce patio, j'y suis né et vécu 20 années ; pourtant je l’ai toujours traversé avec beaucoup de crainte et d'appréhension. Voici une histoire vraie de la"PASTAMA": la peur, « el sousto » pour toute une vie !
Une fois engagés tous deux dans l'entrée, comme des "carretillas" nous filons vers le haut ; soudain, ma tête butte contre quelque chose de mou et dur à la fois, qui pousse un bruit énorme ressemblant à un pneu qui éclate et se dégonfle ; je suis stoppé net et mon frère, qui suit, butte à son tour sur mon derrière, ce qui a pour effet de me renvoyer dans cette chose qui recommence les même bruits affreux. Aussitôt, nous faisons demi-tour et aussi vite que nous étions montés, nous revoilà dans la rue de Lodi, le cœur battant. Nous avons tous les deux mal à la tête et moi en plus aux fesses. Quelques mois après, aux beaux jours, et à cette époque n'ayant pas de télévision, les voisins se réunissent un soir, comme d’habitude, dans la grande cour en amenant leur chaise, afin d’évoquer les péripéties du moment ; les enfants sont présents et écoutent les grandes personnes avec beaucoup d'intérêts. Parmi nos voisins figure un grand Monsieur , gros et fort, un vrai patriarche, patron-constructeur des bateaux de pêche ; "Monsieur Polo" il s'appelle, et tout ce qu'il dit, est parole d'Evangile. Ce soir là, la conversation en vient aux "Fantômes" et Monsieur Polo affirme d'une voix forte et assurée : --Oui! il y a une Pastama dans le patio ; je l'ai rencontrée et, qui plus est, elle m'a frappé ! Toute l’assistance en tremble ; si Monsieur Polo le dit c'est que c'est vrai ; toutes les personnes se recroquevillent sur leur chaise en saisissant le bras du voisin proche et faisant le signe de croix. -------C'est vrai, reprend monsieur Polo : un soir je descendais le couloir tranquillement et j'ai reçu dans le ventre un coup terrible qui m'a fait asseoir sur une marche ; ce fut un coup si énorme que j'ai failli vomir ma dernière anisette ; bien plus, à peine relevé, j'ai reçu un deuxième coup dans la poitrine tellement fort que j'ai presque avalé mon cigare ; or, je n’ai rien vu, ni entendu quoi que ce soit!! c'était donc la "pastama"! En étant persuadé, dès le lendemain je suis allé me confesser au bout de quarante ans...------ Devant cette déclaration, les voisins ramassent vite leur chaise et rentrent chez eux s'enfermer à double tour ; avec mon frère, nous échangeons alors un regard complice, car notre rencontre de l’hiver s’expliquait. Interpellant Monsieur Polo, nous lui confirmons l’existence de ce fantôme pour l’avoir nous même rencontrée, en insistant sur notre bonne foi : vous avez raison, Mr Polo, elle existe la Pastama, ce n’est pas une "tonteria" c'est la pure vérité! » La dernière apparition du fantôme, a été dévoilée et rapportée au mois de juin 2007 au tribunal de La Calère, à Santa Susana:
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Le kiosque de Marie
C'est dans les années 50 qu'un petit kiosque s'est édifié sur la place Emerat, dont la gérance fut confiée à Madame Devésa Marie, plus communément appelée « Marie du kiosque ». Pour nous enfants de la Marine, cette construction fut très mal accueillie, car, ce bâtiment venait empiéter notre aire de jeux préférés comme « le Ballon Prisonnier », les parties de « Pittchac ou de Billes », le « Tour de France », et bien sûr notre terrain de football favori, sur lequel se disputaient des matches inoubliables, avant ou après les classes ou les jeudis. Il va sans dire que, malgré cette présence restrictive, les parties de foot ont continué au fil des générations, occasionnant l'irascibilité de la gérante des lieux. En effet, afin de garder un maximum d'espace de jeu, les buts occasionnels étaient situés tout près du kiosque; de ce fait, les tirs venaient très souvent heurter l'arrière du kiosque (ndlr: quand j'écris "heurter", il faut lire "fracasser"). Alors, Marie sortait de son "cagibi", furieuse et emportée par la colère, traitait les pauvres gamins que nous étions de tous les mots lui venant à l'esprit: "sin verguenza, sipotes, malas sombras, et même parfois, hijos de p…." et pour couronner le tout, elle tentait de nous confisquer le ballon afin de le crever; mais notre vivacité à le récupérer nous permettait de reprendre le match alors qu'elle réintégrait son commerce, maugréant quelques insanités bien de chez nous. Cependant au fil du temps, nous apprécions ce kiosque; idéalement placé devant notre école, il permettait aux petits comme aux grands de satisfaire leurs désirs gustatifs, car le choix de friandises ou autres bonbons était vaste: caramels, sucreries enrobées de chocolat, macarons, sucres d'orge, réglisses en serpentin ou en bâtonnet torsadé, gommes colorées et bien sur les divers chichengommes (comme nous disions pour les chewing-gum), carrés, rectangles ou ronds que nous étirions de deux doigts vers l'extérieur comme un élastique ou pris entre les lèvres pour en faire une bulle. Il y avait aussi les "Pommes", les cartlettes, les"binagates", Puis dès les beaux jours, c'étaient les "piroulis glacés", qui coloraient nos langues de rouge, vert ou bleuâtre. Marie vendait également des cigarettes pour les plus grands, Bastos bien sur ou Atlas, Lucky Stricke, etc…; mais, certains de nous, en cachette des parents, achetaient de temps en temps, à moindre coût, des "P 4", cigarettes vendues par quatre dans des paquets bleus, fumées discrètement derrière un arbre ou dans un "rincon". Parfois, notre "mala leche" allait plus loin: nous interpellions un jeune gamin, 5 à 6 ans, en lui remettant une grosse pièce et disant: " va chez Marie et demande lui: " Marie, svp, un piroulis et une capote…." Et le pauvre enfant, exécutant la besogne, se faisait traiter de tous les noms par Marie, car entre-temps, "scapa", nous avions quitté, vite fait, bien fait la réplacette! ! !
Jo BRU
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Il était une fois………. C’était il y un peu plus de mille ans, de l’autre côté de la mer dans une ville riche ; brillante parmi toutes : Cordoue. Djaffar le fils cadet du Vizir ne supportait plus l’autorité paternelle, ses brimades et ses humiliations. Quant vint l’âge de prendre épouse il utilisa tous les subterfuges pour amener son père à lui choisir, pour épouse, Narjess, sa cousine. Mais le Vizir annonça à Djaffar ses noces prochaines avec la fille d’un riche négociant et donna Narjess à un chef de guerre. Suite à cette humiliation, et pour se venger de son père, il prit la décision de quitter sa famille et Cordoue la veille des noces. A Malaga, il embarqua sur un navire en partance pour l’Égypte. Au cours du voyage, ils durent affronter une de ces tempêtes dont la Méditerranée a le secret, soudaine et brutale. Au petit matin les hommes découvrirent une immense plage de sable blanc et les débris de leur navire penché sur les rochers. Ils étaient loin de l’Égypte nos marins Andalous mais ils aimèrent cette terre où la destinée les avait conduits et ils décidèrent d’y rester. La plage qui les avaient accueillis porte encore aujourd’hui leur nom : « la Plage des Andalouses » Un jour d’été, alors que les marins avaient perdu tout espoir de remettre le navire à flots, Djaffar décida d’aller se baigner. Il découvrit sur la berge deux jeunes lionceaux .Craignant de voir surgir la mère, Djaffar, par prudence, s’en alla par la rive opposée. Le lendemain les lionceaux étaient encore là, l’observant, au point qu’il les suivit. Il découvrit la lionne allongée sur le flanc. Elle était morte. Djaffar, ému s’assit sur une pierre plate et les lionceaux, sans hésitation, vinrent se frotter contre ses jambes. Ils ne se quittèrent plus jamais. C’est là que Djaffar a bâti sa maison au bord de l’oued. C’était la première maison de la ville et voilà pourquoi elle porte son joli nom :………………………. :Les deux lionceaux « Wahran » ou Oran.
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« En descendant la rue »
Le texte ci-dessous est un extrait d'un article paru en Juin 1962 sur le journal "Brise Marine", bulletin édité par les jeunes du quartier (garçons et filles) sous la houlette du Père Gautier, curé très apprécié lors des dernières années passées sur notre terre natale. Voici ce qu'il écrivait:
" La rue de l'Arsenal ! Rue vedette de la Marine, réservoir de la Calère, canal vers le forum de la Place Emerat. Une tête: le tunnel….bouclé; un cœur: le patro de la J.U; deux pieds: les "canons" face au port; une odeur: le poisson frais…..La rue s'est accoutumée à mes deux pieds, et même, gentille comme tout, elle a consenti à me dévoiler mille secrets. Tout d'abord, j'ai rencontré un vieux monsieur en train de poser des grillages aux fenêtres du rez-de-chaussée:" Vous comprenez, me dit-il, dans les temps actuels, c'est plus sur". Sur la chaussée, quatre ou cinq mamans, sans compter les autres aux balcons, commentent bon train, la journée horrible d'hier et la nuit si longue. "Moi, j'ai les nerfs à bout…-….vous savez, le fils de Mme …- ….et puis, on a arrêté celui là…-…mon mari n'est pas allé travailler, il s'est heurté au bouclage…". En passant, je lance un bonjour par ci, un sourire par là; une dizaine de gosses m'assaillent à la porte du patronage –" …bonjour Père…." – " …et l'école ? …" – "….c'est la grêve…". Dans la cour, d'autres jouent au foot; en ces temps survoltés, tous vivent dans une drôle d'ambiance…. Trente mètres plus loin, j'entends des coups de marteau. Filles et garçons sortent d'un logement abandonné. "…Père, vous viendrez bénir notre local; dimanche, on fait une surprise-party…."; les uns grattent les murs, c'autres préparent la peinture…Ce que j'admire chez ces ados, c'est leur spontanéité, leur esprit d'initiative….mais, le drame, hélas, se révèle ici dans toute son acuité: ils n'ont rien à faire. Plus de cours, plus de formation,. Pas de certificat, pas de brevet, pas de bac ! ! !.... Presque en face, je me vois soudain intégré dans une réunion où les langues se délient. Quoi d'étonnant "à la Marine"! "…apportez nous un peu de lumière et de confiance, M. le curé, on ne sait plus; on douterait même…". Après une heure de dialogue, il n'est pas trop tard pour rendre visite à une maman malade. "…vous tombez bien; regardez, il a fallu mettre le lit dans ce coin; la nuit dernière, des gros cailloux ont crevé le toit et le plafond. Dieu n'a pas voulu que ce soit notre heure….". A peine dans la rue, une bonne vieille du trottoir d'en face me lance cette invective: "…Ah, Mr le curé, qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu pour qu'on voit des choses pareilles ? "IL" nous oublie ?...". En moi-même, je me dis :" le Bon Dieu n'y est pour rien… le péché vient toujours du cœur de l'homme…". Plus loin, un jeune ménage revient de la ville avec son ameublement; " …alors, on réintègre ?..." – "…oh, vous savez, c'est encore à la Marine qu'on est le plus tranquille…". La soirée s'avance, un pêcheur de la rue d'Orléans m'accoste pour me demander de " faire quelque chose" pour le vieux monsieur décédé depuis six jours; les 30 familles du "Patio" n'en peuvent plus, à cause des odeurs ! ! ! J'inscris sur mon calepin: demain, démarche chez Lamy-Trouvain….. Vite, il faut que je remonte vers St Louis. Pourtant, mes yeux s'arrêtent encore quelques secondes là-haut sur le visage de N.D. de Santa Cruz qui domine la cité….La Vierge est là, toujours debout comme autrefois au calvaire……… La Vierge des douleurs qui murmure doucement à mon oreille : "…Dis leur donc, à eux aussi, de rester DEBOUT quand même…."
Que de souvenirs et d'images, encore présents en nos mémoires, dans ce récit ! ! Merci, Père Gautier où que vous soyez là-haut dans le ciel!
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