Le Port

 

 

( Le port d'Oran )


La Marine comptait dans ses activités deux importants secteurs, d'une part, le Port bien sur et tous ses dérivés, la pêche, le transit, le remorquage, la réparation navale, l'import/export, et.., d'autre part, l'usine de tabacs Bastos, sise rue Charles Quint.


Puis, comme dans tous les quartiers de grande ville, le petit commerce jouait un rôle primordial dans la vie même de ses habitants et leur quotidien
.

Il s'agit ici d'évoquer la partie du port comprise entre le Dock 5, le Pilotage et la grande jetée, c.a.d. la partie ancienne, autrefois anse de pirates barbaresques, ensuite garnison et forteresse guerrière (Fort Lamoune), devenue port de pêche et petits commerces de l'époque ibérique, puis port de plaisance et de transit avec la présence de cargos avant de s'étendre à l'Est pour connaître les activités maritimes des grands ports ( marchandises, tourismes, etc…).

( le port de plaisance )

 

 

Le port de pêche :


Principale activité d'un nombre important de pères de famille du quartier, la pêche était présente partout à la Marine et rares étaient les enfants ignorant le goût du poisson frais; rangés côte à côte sur les diverses "pannes", les barcasses et pointus étaient toisées par les lamparos et chalutiers faisant admirer leurs filets imposants.


Dès l'aube, les sons caractéristiques des moteurs de bateaux signalaient leur départ vers les lieux propices et connus des Anciens, certains vers la pointe de l'Aiguille, d'autres vers les Iles Habibas, les plus petits se contentant de suivre la côte longeant la Cueva del Agua , Canastel et Kristel….

A leur retour, les cageots s'entreposaient, pour la vente, sur les étals de la pêcherie, reconstruite quelques mètres plus loin avant l'exode; la criée pouvait commencer tandis que les pécheurs, emportant avec eux une part de leur travail destinée aux familles, faisaient "leur chemin de croix" par des haltes successives aux divers bars du quartier.

( chalutiers dans le port de pêche )

Le port de commerce :

( Le Pilotage )

 

Il juxtaposait le "Pilotage" avec les compagnies maritimes de Scotto, Ambrosino, Pugliése (S.A.P.) ou de Schiaffino, sans oublier les deux sociétés de remorquage, les "Lasry" et les "Goëlands"; côté dock 5, il permettait aux navires-cargos les chargements de sable, …..
Dans ce domaine aussi, les adultes, génération après génération, étaient salariés de ces sociétés et constituaient un effectif important parmi le personnel.

 

Mr Ambrosino Antoine-de la rue de l'Arsenal - 1916 -1983

mécanicien-bateaux à la Cie S.A.P. (Scotto, Ambrosino, Puglièse)- sosie de Mgr Lacaste, évèque d'Oran

 


"Le port de commerce tenait une très grande part au développement de notre ville avec la métropole d’où nous recevions la plupart de nos produits en majorité des provinces françaises et d’autres Pays du monde entier.

( Quai de l'Horloge )


Il était aussi la base de toutes nos exportations de l’ensemble des produits que nous fabriquions (Vin, Alfa, Agrumes etc.)

( Embarquement de vin au Port d'Oran )


De ce fait il était la source d’une multitude de métiers qui se complétaient en chaîne tant à l’exportation qu’à l’importation des marchandises.


Parmi ces métiers, l’on pouvait trouver des Dockers, Conducteurs d’engins nos fameux « Clark », les Douaniers, Les Assureurs, les Transporteurs, et bien d’autres lies à la pêche.


L’un des plus connus de gens de notre quartier était celui de « Transitaire », tant ils étaient nombreux depuis la Place des Quinconces jusqu’au quai Beaupuy, qui d’entre nous ne connaissait pas « Mitjaville et Gondrand, Mory, Serres et Pilaires, Mazzella, comment parler de ce métier sans citer toutes les Compagnies maritimes locales, qui ont également fait la prospérité de notre quartier, pour mémoire La SAP (Scotto Ambrosino et Pugliese), Compagnie de Navigation Mixte, Cargo Algériens, Compagnie Générale Transatlantique, Compagnie Leborgne, Société Générale des Transports Maritimes, Compagnie Schiaffino, Delmas Vieljeux, qui hélas aujourd’hui ont toutes pour la plupart disparues , avec nous.

 

Texte de François Sanchez. Ex transitaire à Oran Chez Antoine Mazzella 34 quai Beaupuy.

 

( Cueva de l'Agua )

 

" SCAPHANDRIER….. Une profession à risques…. - Mr Passarelli : ( dit "el Buzo" )

 

Au cours du xx° siècle, et avant que les plongeurs autonomes ne viennent les remplacer, les scaphandriers étaient un spectacle permanent quasi quotidien dans nos ports. Il en était de même au port d’Oran, où ils étaient dépêchés pour l’entretien des quais, le dépannage des bateaux quand leurs hélices étaient boquées par un cordage ou la récupération de matériaux de toutes sortes tombés en mer.

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Mon père a commencé sa carrière à l’âge de 17 ans, à la compagnie des remorqueurs "Goélands".

Pendant la guerre 39/45, il a participé au renflouage des bateaux de commerce et bateaux de guerre, notamment à Mers-El- Kébir lors du sabordage de la flotte française.

Mobilisé, il fut affecté au port militaire de Sidi-Abdellah à Bizerte en Tunisie pour désamorcer des bombes sous marines posées par les allemands.

 

 

Dans les années 50, il exerça son métier à la "Getman", société chargée entre autre, de construire les fondations sous marines du port militaire de Mers-El- Kébir et qui a réalisé aussi les fondations de l’usine thermoélectrique qui existe toujours de nos jours au ravin blanc à Oran. (Photo)

 

 

Enfant, j'ai assisté, avec fierté mais non sans une certaine appréhension, au cérémonial de l’habillage.

D’abord, il fallait enfiler un vêtement en peau de bouc, imperméable à l’eau. Deux à trois personnes étaient nécessaires.

Il s’asseyait ensuite sur un tabouret, afin de permettre la fixation d' un collier de bronze appelé « collerette », la pose des chaussures à semelles de plomb, la ceinture, le casque, les plombs en forme de grosses médailles, un sur la poitrine, l’autre sur le dos. Ensuite, une corde était attachée autour de la taille, lien de communication avec le "guideur" à la surface.

 

 

Enfin paré, il s’agissait ensuite de marcher lourdement et difficilement jusqu’à l’échelle située le long du bateau, où s'effectuait la dernière opération qui consistait à visser le hublot facial.

Alors que les pompes à main, servies par deux hommes, s’activaient, le scaphandrier s’engloutissait dans l’eau dans un bruit assourdissant.

Sa vie ne dépendait alors que de l’équipe de surface, et surtout du "guideur", car du cordage qui le reliait à l’air libre et de la bonne interprétation des signaux envoyés dépendait le bon déroulement de la plongée.

Mon père, pour cette fonction ô combien importante, ne faisait confiance qu’à son propre père. C’est d’ailleurs peu de temps après la disparition de mon grand père qu’il cessa définitivement d'exercer cette profession.

Rendons hommage à tous ces courageux pionniers, si nombreux en Afrique du Nord et dont certains y laissèrent leur vie."

Texte et Photos de Raphael Passarelli

 

Liens vers "ORAN CHARPENTIERS DE MARINE" ( de notre ami Raymond Matéo ) :

Cliquez ici pour visionner de très belles photos

(puis cliquez sur "diaporama" en haut à gauche)

 

 

 

L'usine "Bastos"

 

 

Combien de "cigarières" issues du quartier ont été employées dans cette société, créée par Juan Bastos, immigré espagnol dans les années 1800 avant la conquête ?

Difficile de donner un chiffre, car les "Marineras" ont constitué un bon vivier dans le recrutement des ouvrières de cette usine de tabac située rue C. Quint entre le port et la place de la République, au droit de la promenade de Létang, merveilleux jardin suspendu face à la belle rade d'Oran. La plupart des familles avait une parente (mère, tante, soeur, nièce ou cousine) exerçant chez Bastos.

 

( Cigarières - usine Bastos )

 

 

( cigarettes Bastos )

 

"L'USINE DE MA MERE",

 

L'école, elle n'en voulait plus!...Et encore moins de la grammaire et du Français. Elle savait bien compter, et cela lui suffisait pour persuader sa mère de l'orienter autrement.

Elle avait trop vite mûri dans ce petit monde laborieux qui l'entourait ( voisins, famille), pour la plupart émigrés espagnols, dans une maisonnée bien modeste, entre un père Docker, une mère cigarière, une grande soeur déjà au travail,  et la toute dernière, qu'elle gardait et surveillait bien souvent!... 

Finies les parties de cache-cache autour des "Tinas" (bassines) du Patio de la "Calabassa", où elle vivait, rue de LODI. Tous ses jeux d'enfant envolés!... Surtout lorsqu'il fallait compter les "sous" en fin de semaine avec sa maman.

L'odeur du tabac imprégnait les habits de sa mère, sa tante, ses voisines, qu'elle voyait partir et revenir de l'Usine, quatre fois par jour. Et secrètement, elle se voyait bientôt faire comme elles.

Mais patience, elle était encore trop jeune pour " rentrer travailler chez BASTOS ". En attendant, bien sagement, elle irait apprendre la couture chez une gentille demoiselle du "Patio LASARI", tout près du port de pêche. Cette nouvelle activité lui plu. Mais son regard et ses pensées s'échappaient souvent par la fenêtre devant laquelle elle cousait. 

Elle aimait à voir ce spectacle coloré et animé qui s'offrait à elle chaque jour, entre mer et montagne, juste au pied de SANTA CRUZ : " les dockers déchargeaient les bateaux à quai, et parmi eux, quelques fois, elle reconnaissait son amoureux François. Dans l'orange du soleil couchant, arrivaient les chalutiers, suivis dans leur sillon d'écume, par les voraces mouettes. La foule trépignante de la "criée les attendait impatiente, tandis que les barques multicolores se dandinaient inlassablement sur l'eau à peine froissée du vieux port. "

De ce quotidien douillet et chaleureux, elle en était presque heureuse, quand le hasard voulu que sa gentille maîtresse soit contrainte de quitter ORAN, pour suivre son futur époux.

Alors, voici que "BASTOS", lui reprit toutes ses pensées!... Mais elle n'avait pas encore 15 ans, l'âge requis à l'époque pour être admise à l'usine...

Qu'à cela ne tienne, la grande famille des cigarières fit preuve de persuasion pour appuyer son embauche. Et la contre-maîtresse qui s'occuperait d'elle, était prête à jouer le jeu de la discrétion et de la protection  pour cette nouvelle recrue.

Que de fois, sous ses ordres, ma mère dû se cacher sous les établis, pour échapper à des situations de contrôle du travail, ou la visite inopinée du "Grand Patron"!

" LA FABRIQUE ", comme l'appelaient les anciens, elle l'avait souvent approchée, lorsqu'elle remontait la rue CHARLES LE QUINT, pour prendre les petits escaliers de la PLACE DE LA REPUBLIQUE, ou ceux plus larges qui grimpaient jusqu'à la Promenade de l'ETANG.

Son histoire, elle la connaissait par sa maman, ouvrière à la Manufacture depuis des années. Elle savait que Juan BASTOS ( le fondateur), natif de MALAGA, était arrivé très jeune à ORAN en 1817. Sans le sou, mais ambitieux.  Dévoré par l'esprit d'entreprendre, il fonda sa première manufacture de tabac au dessus du quai "LAMOUNE". A l'époque, l'essentiel du travail se faisait à la main. Mais très vite, poussé par son sens des affaires et sa réussite, il fit bâtir l'immense édifice en béton qui tient encore lieu et place aujourd'hui, face au dock n°5 du port d'ORAN. ( Ce bon vieux quartier de la Marine, pouvait s'enorgueillir de compter dans ses murs, une des plus belles réalisation industrielle de l'ALGERIE de l'époque).

Sa maman lui avait aussi appris l'ambiance exceptionnelle des ateliers, avec toutes ces jeunes femmes ( brunes, et ardentes filles d'Espagne pour la plupart). Il y régnait une atmosphère de volière où elles s'affairaient dans  la bonne humeur. Ces femmes s'étaient distinguées pendant la guerre de 14/18, à faire tourner l'Usine, pendant que les hommes partaient au front. Elles menèrent des cadences infernales pour que nos "Poilus" puissent se réconforter en fumant "une BASTOS" au fond de leurs tranchées. Et que dire des grandes grèves de 1936, et des chamboulements sociaux qui s'en suivirent?... Elle était fière de savoir que sa mère, parmi les premières syndicalistes de l'époque, les avait défendus.

Maintenant, c'était à son tour de se saisir de l'héritage besogneux de BASTOS, transmis de mère en fille dans de si nombreuses familles de la Marine.

Certes, depuis, l'Usine s'était modernisée avec ses nombreuses machines adaptées à la transformation totale de la feuille de tabac. Elle pouvait produire chaque année 2 milliards de cigarettes, 10 millions de cigares et 650 tonnes de tabac à fumer et à priser. Il n'en demeure pas moins, qu'elle employait plus d'un millier de personnes.

Elle découvrait enfin de l'intérieur la vie de cette imposante bâtisse, remplie du bruit lancinant des machines et des effluves entêtantes du tabac.

Elle se souvient de son premier travail, qui consistait à remplir méthodiquement, les petites boites de tabac à priser. Appliquée et douée, elle se surpris à franchir rapidement les nombreuses phases de la production, dans toute sa diversité. Timidement, elle se comptait parmi les meilleures ouvrières, aux dires de sa contre-maîtresse, à qui, elle vouait une grande admiration.

L'image des ateliers n'avait guère changé, avec toujours une main d'oeuvre essentiellement féminine. Elle savourait ces heures passées avec toutes ses camarades rieuses et moqueuses, qui se donnaient du coeur à l'ouvrage en chantant les rengaines de l'époque, commentant les amours de l'une ou de l'autre, ou racontant les derniers potins de la CALERE, de la rue de L'ARSENAL ou de la Place de LA PERLE. Leur humour corrosif n'épargnait personne, une façon d'oublier leurs propres problèmes!... Et lorsque retentissait la sirène de fin de journée, c'était un essaim bourdonnant et bruyant qui se bousculait vers la porte de l'Usine, pour rejoindre les fiancés, ou apostrophant les garçons venus assister en curieux, à la sortie de toutes ces jolies gilles.

Essaim joyeux qui se dispersait en remontant la rue CHRISTOPHE COLOMB, envahissait la Place de LA REPUBLIQUE, puis la rue haute d'ORLEANS, jusqu'à la Place EMERAT et la CALERE.

Heureuses années partagées dans le labeur et l'insouciance d'une jeunesse d'entre deux guerres !... Celle de 1940 arriva bien vite, avec son lot de malheurs, de privations, de marché-noir. Mais aussi avec "l'Amour" par dessus tout, pour vivre quelques instants de bonheur dans le fracas de la guerre.

C'est dans ce désordre, qu'elle épousa son amoureux " François". Juste le temps de me "fabriquer", et le voilà parti faire le débarquement d'AIX EN PROVENCE, où il fût grièvement blessé.

Alors commencèrent pour ma mère les longs mois d'attente à ORAN, où la vie continuait tant bien que mal. Comme en 1914, l'Usine BASTOS, tourna essentiellement avec ses cigarières. Bébé tout neuf, ma grand'mère me portait dans ses bras, depuis la rue WEIMBRENNER, jusqu'à l'Usine, pour que ma mère puisse m'allaiter. C'était aussi le lot des autres jeunes mamans qui travaillaient avec elle. Quel beau tableau sur ce lieu de travail, que tous ces bébés contre leurs mères, pour la "tétée", comme un défi à la noirceur de la guerre !...

Et les années passèrent, besogneuses et bien remplies pour ma mère.  

En 1950 pourtant, à la naissance de ma soeur, elle choisit le coeur serré, de quitter "Son Usine". Puis survint l'indépendance de l'ALGERIE, le déchirement de l'exode et cette douloureuse nostalgie qui l'habite encore aujourd'hui.

A 93 ans, dans sa Maison de retraite, elle attend chaque jour que le "BON DIEU" vienne la chercher, pour retrouver enfin son amour de toujours "François", son église St LOUIS, les rues et ruelles de son cher quartier, qu'elle arpentait joyeusement, bras dessus, bras dessous avec ses amies cigarières pour rejoindre "LA FABRIQUE". 

Alors des noms lui reviennent, qu'elle murmure tout bas, comme pour ne pas déranger ses plus beaux souvenirs : " Marie, Isabelle, Juliette, Jeannette, Soledad, Pépiqua"... Et peut-être, qu'alors, elle les entend chanter avec elle, leur chanson fétiche : 

" Les cigarières sont de braves ouvrières

  Chantant en coeur,  elles travaillent toujours avec ardeur " la, la, la ...♪ ♪♫ ♫ ♫ ♫ ♪ ♪♪ ♪♪ ♫ ♫ ♪ ♫

 

Marie Louise GONZALEZ/AKENINE

 

 

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